Le voyage en autobus n'avait rien de particulier, mais il a été mémorable,
probablement comme la plupart des voyages dans le « poumon d'acier » pour
tout jeune de 16 ans qui se rend dans une autre ville canadienne.
En 2001, après que ses Royals de Calgary eurent remporté le championnat de
la Ligue de hockey midget de l’Alberta (AMHL) et le championnat de la
région du Pacifique, Brett Pilkington se préparait pour la prochaine étape
à Prince George, C.-B., où se tenait le championnat national midget du
Canada, la Coupe Air Canada.
« Nous sommes montés dans l’autobus à Calgary et nous avons pris la route
», se souvient Pilkington, maintenant âgé de 33 ans. « Nous sommes arrêtés
pour manger, puis nous nous sommes enfoncés dans la forêt. Cela a semblé
prendre une éternité. Je me souviens de m'être dit “Où diable sommes-nous?”
Puis soudainement, vous quittez la forêt et vous êtes à Prince George. »
Pour Steve Bernier, le voyage vers le nord de la Colombie-Britannique a été
semblable en ce qui a trait à l'incertitude, mais complètement différent du
point de vue culturel.
Après avoir remporté la Ligue de hockey midget AAA du Québec (LHMAAAQ) et
s'être automatiquement classés comme représentants du Québec en tant que
champions de la LHMAAAQ, les Gouverneurs de Ste-Foy ont entrepris le
tournoi avec un peu d'appréhension.
Ils étaient jeunes, la plupart avaient 15 ans, et ils allaient participer à
un événement habituellement dominé par des joueurs un ou deux ans plus
vieux qu'eux, et en plus, le groupe de jeunes de Québec ne parlait pas
beaucoup anglais.
En fait, selon Bernier, un seul d'entre eux, Dominic Deblois, était
bilingue. Son père, Lucien Deblois, a joué pendant 15 saisons dans la Ligue
nationale de hockey avec New York, Winnipeg, Montréal, Colorado et Toronto.
« À l'époque, nous ne parlions pas beaucoup anglais et nous nous sentions
assez loin de chez nous », dit Bernier, 32 ans, maintenant un avant auprès
des Sound Tigers de Bridgeport de l'AHL, l'équipe-école des Islanders de
New York.
« Mais pour moi, c'est comme si c'était hier. Je me souviens d'être allé à
Prince George en avion. À 15 ans, c'est toujours spécial de prendre
l'avion. Lorsque nous sommes arrivés, c'était bien organisé et l'aréna
était très beau. »
Les cinq équipes championnes régionales et les hôtes, les Cougars de Prince
George, ont amorcé le tournoi de 2011 et les Royals ont dominé la ronde
préliminaire avec une fiche de 4-1, incluant une victoire de 5-2 sur
Ste-Foy.
Les deux formations se sont qualifiées pour la ronde éliminatoire et elles
ont facilement accédé au match pour la médaille d'or grâce à des victoires
convaincantes en demi-finales. Calgary a blanchi les Young Nationals de
Toronto 6-0 et Ste-Foy a écrasé les Subways de Dartmouth 10-1.
La table était mise pour un affrontement entre deux équipes provenant de
régions opposées du pays. Au début de la saison, 150 équipes midgets d'un
bout à l'autre du Canada avaient le même objectif en tête, mais seules deux
d'entre elles avaient maintenant l'occasion de remporter un titre national.
Le match n'a pas déçu. Il fut excitant, divertissant et électrisant.
« Nous savions que nous avions une bonne équipe, mais ça allait être
difficile de gagner », dit Bernier, repêché 16e au total par les
Sharks de San Jose lors du repêchage 2003 de la LNH. « À ce point-là, nous
savions que nous étions bons au Québec, mais puisque nous ne jouions jamais
contre d'autres provinces pendant la saison, nous étions impatients de
savoir où nous nous classions une fois rendus là. »
Pour Pilkington, il fallait que les Royals soient au sommet de leur forme
au bon moment pour remporter les championnats de l'Alberta et du Pacifique.
Dans les faits, Calgary a balayé les séries éliminatoires de l'AMHL, ne
perdant aucun match.
« Nous n'avons pas eu la meilleure saison régulière », affirme Pilkington,
qui est maintenant directeur des ventes de The Surveillance Shop à Calgary,
après avoir joué pendant huit saisons au hockey collégial et professionnel
mineur. « Mais, nous avons trouvé notre erre d'aller environ cinq matchs
avant les éliminatoires et tout est tombé en place à partir de ce
moment-là. »
Lors de la finale, Calgary a pris les devants 2-0 grâce à deux buts de
Matthew Williams-Kovacs, forçant ainsi Ste-Foy à jouer pour remonter la
pente. Les Gouverneurs se sont ressaisis en marquant trois fois en deuxième
période – Jeff Cotton, Jean-Vincent Lachance et Dany Roussin – pour se
donner une avance d'un but avant le troisième tiers.
Pilkington a nivelé le pointage à 3-3 alors qu'il restait 6 min 10 s au
chronomètre pour forcer la tenue d'une prolongation.
Tôt au début de la deuxième période de prolongation, la rondelle s'est
retrouvée sur le bâton de Bernier et ce dernier a marqué le but gagnant
pour permettre à Ste-Foy de remporter le quatrième, et dernier, titre
national de l'histoire de la franchise.
« Nous avons connu une bonne présence en zone offensive », se souvient
Bernier, qui a été nommé Joueur par excellence.
« Marc-Antoine Pouliot (choix de première ronde des Oilers d'Edmonton en
2003) s'est emparé de la rondelle le long de la bande. J'étais devant le
but. Au lieu de tirer, il m'a fait une passe. J'ai contourné le gardien de
but et j'ai décoché un tir du revers à ras de la glace.
« Je vois encore le jeu dans ma tête. Le match aurait pu aller dans un sens
comme dans l'autre. C'était un match serré. C'était un très bon match.
« J'ai connu un excellent tournoi. Lorsque tu es jeune, tu ne connais pas
mieux. Tu veux marquer le but. Tu veux en faire partie. Tu as tous ces
rêves. Et lorsque ça se produit, c'est le plus beau sentiment au monde. »
Évidemment, les souvenirs de Pilkington ne sont pas aussi heureux que ceux
de Bernier, mais il admet que ce fut un match disputé à vive allure. La
défaite cependant, lui a laissé un goût amer.
« Honnêtement, nous avons manqué d'énergie », dit-il. « Lorsque tu perds,
tu essaies parfois de tout oublier. Mais je me souviens du sentiment
d'épuisement qui m'a envahi lorsque tout était fini. Sept matchs en sept
jours, une double prolongation et des émotions très vives. Nous avons raté
de justesse. »
Comme Bernier, Pilkington a remporté un honneur personnel, soit celui de
Meilleur avant du tournoi. Les deux hommes sont d'accord que, dans
l'ensemble, ce fut une expérience spéciale qui les a indubitablement aidés
à poursuivre leur carrière dans le sport comme joueurs, tout en leur
permettant de tisser des liens serrés, liens qui sont encore solides
aujourd'hui.
Par la suite, Pilkington a joué pendant quatre ans à l'Université Bowling
Green avant de se joindre aux rangs professionnels; il a joué 193 matchs en
carrière dans l'AHL, l'ECHL, la CHL et l'UHL.
« Pour moi, ça m'a ouvert beaucoup de portes ��, dit Pilkington, qui est
également entraîneur adjoint des Buffaloes de Calgary de l'AMHL. « J'ai eu
beaucoup de choix et d'occasions après ce tournoi. Des équipes de partout
dans l'Ouest et de différents niveaux me sollicitaient.
« Mais c'est aussi un événement qui a fait en sorte qu'encore aujourd'hui,
je peux nommer tous les gars de cette équipe. J'essaie de rester en contact
avec chacun d'entre eux. Les liens seront toujours là. Quelques-uns de mes
meilleurs amis étaient membres de cette équipe et ce sont des amitiés que
j’ai créées à un jeune âge. »
Pour Bernier, qui a pris part à plus de 600 matchs dans la Ligue nationale
de hockey auprès de six équipes différentes, cette expérience et la défaite
subie lors de la finale pour la coupe Stanley 2012 lorsque ses Devils du
New Jersey ont perdu contre les Kings de Los Angeles, sont les plus beaux
souvenirs de son parcours dans le sport.
« C'est un championnat difficile à gagner. J’ai pu le faire et je le
l'oublierai jamais. »